Markale Jean - Carnac et l'énigme de l'Atlantide


Auteur : Markale Jean
Ouvrage : Carnac et l'énigme de l'Atlantide
Année : 1987

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Carnac est un de ces lieux que j’ai toujours connus avant même d’y avoir pénétré réellement. Ce sont des choses qu’on n’explique pas, des choses que l’on murmure sans jamais pouvoir donner de raison valable à de telles affinités. Est-ce parce que le vent qui vient de l’ouest, chargé des embruns d’un océan inconnu, a toujours fouetté mon visage lorsque j’étais enfant et que j’attendais que se déchire un ciel de tempête, les soirs où montaient de la terre les lentes pesanteurs de la ville ? Carnac, c’est d’abord un nom. Et ce nom évoque en moi une cassure, une violence qui surgit de la nuit des temps. C’est sans doute, en premier lieu, la sonorité du terme, la dureté de ces deux syllabes qu’on entend résonner dans un brouillard où le soleil a peine à pénétrer. Mais c’est aussi la lente évocation d’un monde enfoui dans une barbarité que l’absence d’informations précises rend encore plus secrète, plus mystérieuse, et qui accroche l’imagination au point d’en faire un point de rupture essentiel entre ce qui est et ce qui n’est pas. À cet égard, Carnac est particulièrement riche en images et en fantasmes divers, et cela n’est pas sans provoquer dans l’inconscient humain des réminiscences prodigieuses à propos d’un âge où l’on était assez puissant pour ériger des pierres au milieu d’une lande pour signifier que le ciel et la terre étaient les deux pôles d’une même réalité. Mais Carnac, pour moi, c’est aussi l’évocation du pays de mes ancêtres. Je suis d’une famille émigrée et j’ai passé mon enfance à retrouver les sources qui jaillissaient dans une mémoire engluée dans une vie quotidienne citadine d’une infinie banalité. Je savais que Carnac était au centre d’un pays qui avait vu mes ancêtres se battre pour survivre. Je savais qu’un de mes arrière-grands-pères était né à Camors, sur les landes de Lanvaux, et qu’il y avait exercé la profession de forgeron. Je savais que ma grandmère, qui m’a élevé, était née à Pluvigner, sur ces mêmes landes de Lanvaux – que j’imaginais alors comme un désert peuplé d’étranges pierres – et qu’elle avait habité à Auray, en une maison de paille, traduction littérale du breton ti-plouz, « chaumière », lointain souvenir que ma grand-mère hésitait à évoquer parce qu’elle marquait une époque de misère et de souffrance. Par le jeu de la vie, cette famille s’était dispersée aux quatre coins du monde : il ne demeurait de l’édifice primitif que l’image à peine esquissée d’une simple maison de granit au toit de chaume, entourée d’un jardinet où poussaient des fraisiers, et puis, plus loin, les grandes ombres de Sainte- Anne-d’Auray et de Carnac. Ma grand-mère, comme toutes les Bretonnes, avait une dévotion particulière pour la mère de la Vierge, et, bien sûr, elle avait traversé les champs de menhirs de Carnac, ce qui n’avait pas manqué de lui laisser d’étranges souvenirs, bien qu’elle fût persuadée que l’ombre du Diable devait rôder, certains soirs, quelque part entre le Ménec et Kermario. « Tu comprends, me disait-elle, c’était au temps où les gens n’étaient pas encore chrétiens ; ils adoraient des idoles, mais il ne faut pas leur en vouloir, car ils ne savaient pas quel était le vrai Dieu ». Assurément, ma grand-mère savait qui était le vrai Dieu, et elle n’a jamais douté un seul instant de sa vie que ce Dieu était juste et bon, et qu’il récompenserait les mérites de chacun. Elle ne se posait pas de questions pour savoir si Dieu portait une barbe ou non : Dieu était, un point c’est tout, et le reste n’était que verbiage. C’est sans doute pourquoi je recherche Dieu partout, même dans les endroits où il ne se trouve pas. Mais présenté de la sorte, Carnac prenait des dimensions exceptionnelles. J’avais pu voir de nombreuses cartes postales représentant les alignements et certains monuments dits mégalithiques, dont la fameuse Table des Marchands de Locmariaquer qui, au début de ce siècle, apparaissait nettement comme une « table », puisqu’on avait gratté les pierres et la terre qui formaient le tertre primitif dans lequel elle était enfouie. J’avais vu ces représentations classiques – et parfaitement imbéciles – où l’on représentait un menhir avec un Breton en chapeau à guides, lequel semblait un nain par rapport à la pierre levée, mais qui faisait pleurer d’admiration les amateurs de pittoresque de l’époque, bien confortablement installés dans leur appartement parisien, se chauffant auprès de leur poêle « Godin », et rêvant aux merveilles que le monde recèle sans jamais sortir de chez eux. Les collections de cartes postales m’ont toujours envoûté : leur intérêt évident n’a d’égal que leur naïveté, pour ne pas dire leur stupidité. Donc, Carnac, pour moi, dans mon enfance, cela a été d’une part certaines évocations de ma grand-mère, évocations liées à sa famille, et d’autre part des cartes postales délirantes. Et je ne pouvais m’empêcher de mettre en parallèle certaines cartes, où l’on voyait un groupe de jeunes filles en costumes et coiffes d’Auray, au pied des menhirs, et la photographie, un peu jaunie il est vrai, de ma grand-mère jeune, avec le même costume et la même coiffe, celle que l’on appelait la « coiffe en hirondelle ». Je me disais que lorsque je serais grand, j’irais certainement rôder à travers ces champs harcelés de pierres et que je me rendrais compte par moi-même de leur taille réelle. Car je me doutais un peu que les représentations qui s’étalaient devant moi étaient quelquefois truquées. Hélas… il n’était pas question d’aller là-bas pour l’instant. La maison d’origine avait été vendue. La famille s’était dispersée. Pour l’été, nous nous étions repliés sur la forêt de Brocéliande, toujours dans le Morbihan, mais dans ce qu’on appelle le Pays Gallo, là où l’on ne parle plus la langue bretonne de nos ancêtres. Je n’ai pas à m’en plaindre, puisque ces séjours en Brocéliande ont provoqué en moi cette perpétuelle Quête du Graal qui me tourmente. Mais il faut bien avouer que cette Quête passe nécessairement par les champs de menhirs de Carnac. Il y a là quelque chose d’ineffable que chacun de ceux qui se lancent à la recherche de l’Objet sacré doit connaître avant d’affronter de périlleuses navigations vers des îles merveilleuses. J’ai connu Carnac assez tardivement. Et c’est à Brocéliande que tout s’est décidé, que tout s’est déroulé, comme si la forêt enchantée de Merlin était le centre d’un monde clos autour duquel je devais rôder avant de pouvoir signifier mon refus de considérer la réalité apparente comme la seule et unique forme de connaissance qu’il soit donné de pratiquer pour les hommes de bonne volonté. C’est au cours d’un voyage entrepris en compagnie de mon père que j’ai enfin découvert Carnac. Et quand je dis « Carnac », j’englobe dans ce nom magique toute la région qui l’entoure, le pays de cette mystérieuse civilisation mégalithique dont, il faut bien l’avouer, nous ne savons rien, sinon qu’elle fut brillante et qu’elle s’étendit sur plusieurs millénaires, bien avant l’arrivée des Celtes sur l’extrême ouest de l’Europe. Car c’est un cliché bien répandu de présenter les monuments mégalithiques comme des « monuments druidiques », ou comme des vestiges celtes ou gaulois. Les mégalithes datent d’au moins deux mille ans avant l’arrivée des Celtes, n’en déplaise à ceux qui continuent à croire que les dolmens étaient des « autels de sacrifice » sur lesquels les druides égorgeaient leurs victimes. Il eût d’ailleurs fallu que les druides fussent des géants pour accomplir pratiquement de tels rites. Et ce serait oublier que tous les dolmens étaient autrefois recouverts d’un tertre artificiel formé de pierres, de galets et de terre, donc absolument invisibles. Il est vrai que l’image d’Obélix, le Gaulois tailleur de menhirs, ne fait que recouvrir un cliché bien plus ancien ; jusqu’à l’aube du XXe siècle, on croyait vraiment que les monuments mégalithiques étaient l’oeuvre des Gaulois, les anciennes cartes et les vieux guides touristiques en font foi. Qui donc oserait douter de leur autorité ? ...

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