Markale Jean - Le cycle du Graal Volume 2 Les chevaliers de la Table Ronde


Auteur : Markale Jean
Ouvrage : Le cycle du Graal Volume 2 Les chevaliers de la Table Ronde Deuxième époque
Année : 1993

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Refaire le Monde. Les innombrables récits médiévaux qui constituent ce qu’on appelle les Romans de la Table Ronde, bien qu’étant dus à de multiples auteurs, bien qu’étant écrits en différentes langues, bien qu’étant dispersés sur un long espace temporel et géographique, forment cependant une totalité, et il est bien difficile de ne pas supposer, à travers leur diversité, une probable unité de conception, sinon de composition. Éclos, ou plutôt scriptés entre le XIe et le XVe siècle, ils se présentent comme une suite d’épisodes, d’aventures héroïques ou merveilleuses à travers lesquels se dessine un plan d’ensemble qui est incontestablement d’origine mythologique et remonte ainsi à cette « nuit des temps » si favorable à l’explication symbolique du monde. Car c’est toujours le « il était une fois », c’est-à-dire le in illo tempore des évangiles dominicaux, qui introduit et domine une tradition ayant pour objectif de relier la vie contemporaine à des temps mythiques où tout était potentialité pure, ce qui justifie d’emblée les moindres contradictions de l’Histoire considérée comme une ligne continue, avec ses variantes, ses fréquences et ses distorsions. Et il est bien évident que les Romans de la Table Ronde, traversés par des héros fulgurants comme Lancelot du Lac, l’enchanteur Merlin, la fée Morgane et autres personnages cristallisant l’action humaine dans une direction déterminée, obéissent aux mêmes lois inéluctables de la mémoire ancestrale, à la fois irrationnelle et logique, paradoxale et soumise aux idéologies successives qui régissent les sociétés au fur et à mesure de leur degré d’ouverture sur l’échelle du Temps. Il faut toujours éviter de tomber dans les pièges du définitif et se libérer de toute contingence pour tenter d’atteindre l’infinitif. C’est pourquoi, semble-t-il, tant d’auteurs, romanciers, conteurs ou poètes, se sont lancés hardiment dans cette aventure invraisemblable qui consiste à tracer les points de repère d’une « quête du Graal » sans cesse commencée et jamais terminée. Les Romans de la Table Ronde forment un « cycle » dont le point central est cet objet mystérieux, présent dans l’imaginaire et paradoxalement plus présent par son absence parce qu’il cristallise à lui seul les pulsions énergétiques des humains à la recherche de la plénitude. À la fois objet de méditation spirituel et révélateur de prouesses, le Graal n’est qu’un prétexte à l’action humaine mais, par là, il conditionne le comportement individuel et collectif de cet étrange compagnonnage que représente la chevalerie de la Table Ronde, tous étant à égalité auprès du roi, et pourtant si dissemblables, et tous responsables autant d’euxmêmes que de la collectivité. Il y a là matière à d’amples réflexions sur la condition humaine et sur le délicat équilibre entre l’individu et le groupe, agglomérat (et non pas addition !) de volontés individuelles et de schémas communautaires. À ce compte, on peut dire que les récits dits arthuriens ont les mêmes buts que les fameux exempla dont usaient et abusaient, au Moyen Âge, les prédicateurs et sermonneurs de tous bords lorsqu’ils voulaient atteindre le noyau de conscience de leurs auditeurs : il fallait réveiller dans cette conscience le désir d’accomplir, le désir de participer, d’une façon ou d’une autre, à la grande création universelle provoquée par le dieu au nom imprononçable de la Bible, confiée ensuite au genre humain, parce que ce deus agens avait décidé de devenir deus otiosus et de se retirer, le septième jour, pour voir comment ses « émanations » allaient pouvoir continuer l’oeuvre entreprise. En fait, ce thème du « dieu agissant » qui décide de devenir « dieu oisif » domine largement la seconde époque de l’épopée arthurienne. Arthur, jeune homme apparemment issu d’une famille modeste, honnête mais sans gloire, a été choisi par les puissances surnaturelles (est-ce par le Dieu des chrétiens ou par les étranges divinités celtiques invoquées par Merlin ?) : il est parvenu à retirer l’épée de souveraineté du perron dans lequel elle était fichée. Il est l’élu, celui qui a été choisi par une intelligence qui dépasse celle des hommes. Et là réside le problème : car, au XIIIe siècle, époque à laquelle s’organise le cycle légendaire arthurien, et à laquelle s’appliquent les règles sophistiquées de la monarchie de droit divin, le principe énoncé par saint Thomas d’Aquin fait force de loi : a Deo per populum, « Issu de Dieu à travers le peuple ». Il ne suffit pas d’être reconnu par Dieu pour être roi, il faut également l’être par le peuple, et Arthur, même s’il brandit l’épée flamboyante Excalibur, qui lui est incontestablement confiée, ne peut exercer sa fonction royale que s’il est accepté par le peuple, autrement dit par les princes de ce monde dont il n’est en dernière analyse que le primus inter pares, le princeps, la « tête », le « premier entre ses égaux ». Et tel n’est pas le cas au début de cette aventure chargée de significations diverses où se mêlent les données sociologiques, les impératifs politiques, les spéculations métaphysiques et les croyances religieuses. Arthur, même élu de Dieu, n’est rien sans ses pairs, car il n’est ni un despote à la mode orientale ni un dictateur à la mode romaine, il est un roi, un homme qui, au sens étymologique du terme indo-européen dont le mot roi est issu, doit rayonner autant qu’il le peut sur le royaume et sur ceux qui le constituent. C’est dire le rôle essentiel du roi dans cette organisation sociale que tentent de mettre au point les concepteurs de la légende. L’origine celtique d’Arthur ne fait plus aucun doute : il porte sur lui, quel que soit son degré d’intégration à l’image de la royauté chrétienne médiévale, des caractéristiques qui sont à rechercher dans les structures spécifiques des sociétés celtiques anciennes. Il est le pivot du royaume, lequel s’organise autour de lui. Mais lui-même est statique : une fois qu’il a prouvé sa valeur, sa conformité avec l’idéal, une fois qu’il est apparu dans tout son « éclat », il peut se dispenser d’agir lui-même, confiant la mise en œuvre de l’action à ceux qu’il juge capables de la mener à bien. Et dans ce rôle de pivot, il est aidé par le druide, son alter ego d’ordre spirituel pour ne pas dire magique : le druide et le roi forment le sommet de la pyramide sociale des anciens Celtes, reconstituant ainsi le duo mythologique indo-européen Mitra-Varuna, le premier étant le dieu des contrats juridiques et de l’équilibre statique, le second le dieu qui dérange systématiquement l’ordre établi dans le but d’assurer l’évolution constante de la société. Le roi et le druide sont le Lieur et le Dé-lieur, et rien ne peut se faire sans eux. Or, dans la légende arthurienne, ils sont présents d’une façon incontestable : ce sont Arthur et Merlin. Et c’est à eux qu’incombe la lourde charge de refaire le monde, soit d’organiser, dans un cadre contemporain, donc chrétien (il ne peut en être autrement dans l’Europe occidentale des XIe – XVe siècles), une société idéale de type horizontal, caractéristique du système celtique, bâtie sur des rapports interindividuels qui ne sont jamais en opposition avec les rapports entre les individus et la collectivité. Le roi n’est jamais un tyran aveuglé par une soif de puissance : il n’est que la cristallisation des pulsions de ceux qui gravitent autour de lui, telle une étoile aux multiples planètes, chacune de celles-ci évoluant selon son rythme propre, sa trajectoire spécifique, circulaire ou en ellipse, sa coloration, sa luminosité, sa masse et ses vibrations. Et l’ensemble forme un système cohérent dans son apparente incohérence. D’où l’importance du symbole de l’ours dans cette histoire : le nom d’Arthur provient d’un mot celtique qui signifie « ours », et, effectivement, tout au long de ses aventures, il est tantôt en période d’activité, tantôt en période de latence, d’hibernation, ce qui justifie les nombreux rebondissements de l’épopée. ...

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